Clément Sénéchal (Greenpeace) : « Il faut élargir la mobilisation pour le climat et la radicaliser »
La France, comme quatre autre pays, est la cible d’une nouvelle plainte judiciaire pour inaction climatique. Greta Thunberg hausse désormais le ton et ça ne plait plus du tout à l’Elysée… On en parle avec Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace pour les politiques “Climat”. Il est l’invité de #LaMidinale.
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VERBATIM
Sur Greta Thunberg « Greta Thunberg est lucide. Elle démontre une sagesse nettement supérieure aux dirigeants politiques actuels puisqu’elle est capable de traduire ce que disent les scientifiques en termes politiques. » « Il n’y a pas de manipulation et la France est visée par Greta Thunberg parce qu’elle ne respecte pas ses objectifs climatiques et déroge à l’Accord de Paris. »
Sur l’Affaire du siècle et la plainte des ONG contre l’Etat français « C’est une démarche qui a permis de structurer la critique de l’Etat français par rapport au fait qu’il ne tient pas ses objectifs, de lui donner une légitimité nouvelle, juridique. » « Il faut aller chercher les dirigeants politiques. Il y a un défaut de responsabilité des Etats par rapport au changement climatique et aux engagements qu’ils prennent. Il faut actionner le levier judiciaire. »
« L’appareil judiciaire commence à évoluer un peu et va jouer de plus en plus sa part sur les questions de changement climatique. »
Sur écologie et anticapitalisme « L’écologie passe par la décroissance de certaines activités. Il faut une économie décarbonée. Il faut arrêter avec les activités économiques liées aux énergies fossiles. C’est un des objectifs des directives européennes : on a un objectif énergétique, de décroissance de notre consommation de notre niveau d’énergie. Mais la France ne le respecte pas : elle a repoussé ces objectifs de 2020 à 2026. »
Sur les engagements non tenus de la France
« Le néolibéralisme, pour reprendre une formule de Pierre Bourdieu, c’est “de faire échec à toutes les structures qui contenaient le marché” et donc la marchandisation du monde. » « On a dérégulé l’économie alors qu’aujourd’hui on a besoin de normes pour reréguler l’économie et faire en sorte que les activités économiques soient alignées avec une trajectoire 1,5 – c’est-à-dire une limitation de la hausse des températures à 1,5° d’ici la fin du siècle. » « On a un problème d’investissement : avec les logiques budgétaires et monétaires d’austérité, l’investissement public est bridé. En France, il manque 30 milliards d’euros par an juste pour respecter ses objectifs. »
« On est dans un système qui produit des inégalités : pour faire face aux efforts de sobriété qui nous attendent, il faut de l’acceptabilité sociale. On a besoin de cohésion sociale donc il faut réduire les inégalités. »
Sur le caractère anxiogène de la question climatique « Ce qui est très anxiogène, c’est l’attitude du gouvernement : il ne tient pas ses objectifs climatiques. Il n’a pris aucune politique publique structurante pour réduire à long terme les émissions de gaz à effet de serre. » « C’est l’inaction des gouvernements qui est aujourd’hui anxiogène. » « Il n’est pas trop tard pour sauver la planète. Ce que disent les scientifiques, c’est que l’être humain est un animal politique qui a la possibilité de s’organiser et de faire face au défi collectif qui s’impose à lui. Il faut qu’un mouvement qui soit prêt à relever ces défis, soit aux manettes ou que les gouvernements actuels changent de logiciel. »
Sur la Manif pour le Climat à Paris
« C’est une mobilisation en demi-teinte même s’il y avait une belle énergie de la jeunesse. » « On est un pays qui est marqué par les violences policières : les gens hésitent à venir défiler dans les rues. »
« Il y a un problème aujourd’hui de recul des libertés fondamentales, de la liberté de pouvoir exprimer des revendications politiques dans l’espace public. »
Sur la convergence gilets jaunes et gilets verts
« Les gilets jaunes sont à l’avant-garde de la situation historique dans la mesure où il pose la question du choix de société dans un monde qui est soumis à une crise climatique. » « Soit on maintien les privilèges des classes dominantes, des industriels er des classes les plus aisées, et on va aller vers un recul des libertés fondamentales, et une augmentation de la violence d’Etat : c’est l’avènement d’un capitalisme autoritaire. Soit on organise une gestion collective de cette crise dans un esprit de partage et de sobriété. »
Sur les nouvelles formes de mobilisation
« On avance sur la désobéissance civile de masse. » « On ne revendique pas pour soi, on revendique pour l’intérêt général : c’est ça la désobéissance civile. » « Il faut élargir la mobilisation et la radicaliser. Il y a aussi un enjeu de politisation de la question climatique. Ça passe par un nouveau rapport de force. »