Emmanuel Maurel : « La souveraineté doit redevenir le maître-mot de la politique »
19 mai 2020 – Hier, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont annoncé la création d’un fonds de relance européenne pour les régions et les secteurs économiques qui ont été les plus touchés par la crise sanitaire. Dans une Europe à 27, le couple franco-allemand est-il encore crédible ? Emmanuel Maurel, député européen et co-fondateur de la Gauche Républicaine et Socialiste, est l’invité de #LaMidinale. www.regards.fr
Sur le couple franco-allemand « On peut s’interroger sur la stratégie. Compte tenu de la crise et des pays qui ont été largement impactés, il aurait été opportun d’associer des grandes nations comme l’Italie ou l’Espagne qui ont été très touchés par la crise. Ça aurait montré le vrai visage de la solidarité européenne. » « Chez Macron, en matière d’Europe, il n’y a pas plus d’imagination que ses prédécesseurs. Il a cru qu’en se montrant avec Angela Merkel, c’était le sésame d’un plan de communication réussi. »
Sur les 500 milliards et l’Europe de la santé « J’ai peur que ça soit un accord en trompe l’œil. » « C’est pas la première fois qu’on annonce un plan de relance. C’était déjà le cas en 2008. Le plan de relance européen avait fait pshitt. » « Ce dont j’ai peur, c’est qu’il y ait un affichage de solidarité européenne. » « 500 milliards, ça peut paraitre énorme mais finalement c’est assez peu, ça ne représente que 3% du PIB alors qu’on nous dit que c’est la pire crise que traverse l’Union européenne. » « Le Parlement européen avait voté un plan de 2000 milliards d’euros donc on est loin du compte. »
Sur le programme budgétaire « Si le plan voit le jour – parce que ça n’est pas fait -, ce qui serait inédit c’est non pas d’avoir des prêts mais des dotations aux secteurs et régions les plus touchés. » « Quand bien même il s’agirait de dotations, si l’on reste dans le cadre des règles budgétaires actuelles, ça ne change rien parce que le risque, c’est l’austérité à nouveau. » « Ces dotations ne doivent pas être conditionnées à des politiques de rigueur parce que sinon on condamne l’Europe à des politiques d’austérité à perpétuité. »
Sur la réindustrialisation de l’Europe « Le problème avec Macron, comme ses prédécesseurs c’est : ‘paroles, paroles, parole’. » « Si l’objectif c’est de démondialiser et de mettre en cause le libre échange, j’y souscris. » « Le problème d’Emmanuel Macron comme d’Angela Merkel c’est qu’ils restent très attachés au trois piliers de l’Union européenne : la concurrence libre et non faussée, le libre échange et l’obsession de la lutte contre l’inflation. » « L’enjeu, ce n’est pas de lutter contre l’inflation mais d’investir massivement et d’aider les pays qui sont très gravement menacés par la crise. »
Sur la souveraineté « Je suis favorable à ce que la souveraineté redevienne le maitre-mot de la politique. En Europe comme en France. » « On a le sentiment que cette souveraineté nous échappe parce que nous sommes incroyablement dépendants d’autres continents et d’autres pays. » « Ce qui m’intéresse c’est que les peuples décident. » « Il faut que la France et l’Europe soient indépendantes économiquement, sur un plan diplomatique, socialement et politiquement aussi et on est encore loin du compte. » « La souveraineté correspond à une aspiration profonde qui va bien au-delà de la gauche et de la droite. » « Il faut relocaliser une partie de l’appareil productif. »
Sur l’Europe « Une Europe digne de ce nom est un espace pertinent pour répondre aux effets négatifs de la mondialisation. » « La santé n’est pas une compétence européenne mais on a vu à l’occasion de cette crise qu’il manquait des coopérations et des solidarités élémentaires qui nous auraient permis les effets du virus sur les populations. » « Une Europe digne de ce nom contrôlerait les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques et serait indépendante diplomatiquement des Etats-Unis et de la Chine. Enfin, elle mobiliserait massivement dans la recherche. » « L’Europe est obsédée par la compétition. Ce modèle-là a fait la preuve de sa nocivité. » « Les Etats-nations, c’est pas mal en soi. Les gens assez naturellement se retournent vers les Etats-nations. » « Il n’y a pas de peuple européen. »
Sur les nombreux appels et tribunes à gauche et chez les écologiques « Ça n’est pas de la tambouille, ça correspond à une aspiration chez beaucoup de gens qui n’ont pas envie qu’en 2022 on retrouve le duo infernal Macron / Le Pen. » « Tout ce qui peut concourir à des logiques de rassemblement à gauche, j’y souscris complètement. » « Il y a un débat à avoir sur les idées et le programme. » « Dans les accords récents, ce qui m’a un peu frappé c’est qu’on intégrait pas assez la colère sociale et une forme de radicalité qui me semble nécessaire si l’on veut rompre avec les institutions et le système économique et social. » « Le rassemblement n’est pas un objectif, c’est un préalable si on veut incarner une alternative digne de ce nom, dans ce pays. »