« A l’hôpital, on fait le tri entre les personnes âgées et les autres : c’est quasi eugéniste »
30 avr. 2020 – Habituellement, on invite l’historien et journaliste Dominique Vidal pour nous parler de géopolitique au Moyen-Orient. Mais aujourd’hui, c’est parce qu’il s’est fait le défenseur de la cause des personnes âgées qu’il est dans la Midinale.
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Retour en chiffres sur les personnes âgées face à la pandémie
« Comme disait le camarade Lénine : “les chiffres sont têtus”. Nous avons actuellement 15.000 personnes mortes à l’hôpital dont 90% de plus de 70 ans ; 9.000 dans les EHPAD. Et plus 9 à 10.000 mortes chez elles dont on ne sait encore rien. »
« C’est une hécatombe de personnes âgées – bien plus que pour la canicule de 2003. »
« Une des raisons de l’hécatombe, c’est l’irresponsabilité des autorités : depuis 20 ans, on a détruit le système hospitalier. »
« Au début de l’épidémie, on avait 5.000 lits équipés de respirateurs quand les Allemands en avait 30.000. »
« On a détruit, notamment en 2012, tous les moyens de défense contre une épidémie. »
« Il y a aussi une espèce de pensée quasi eugéniste qui monte et qui entraîne , de facto, des pratiques quasi eugénistes : à l’hôpital, cela se manifeste par un “tri” entre les personnes âgées et les autres. »
« On a laissé 700.000 personnes dans les EHPAD sans aucun moyen de défense : ni masque, ni gel, ni rien du tout. »
Sur la circulaire du 19 mars de l’ARS d’Ile-de-France
« Il y a deux euthanasies : l’une volontaire, c’est-à-dire le droit au suicide qui est, à mon avis, une liberté fondamentale pas encore établie en France alors qu’en Belgique, elle l’est. Et l’autre, l’euthanasie forcée, qui est un crime. »
« Il y a une différence entre la situation d’un médecin qui se trouve face à son patient dans des circonstances exceptionnelles (afflux de malades graves, pénuries de moyens…) et qui décide, en son âme et conscience, du sort de ce patient après concertation avec la famille. Si la décision est jugée fausse, libre aux proches de porter plainte. Et puis, il y a une situation qui n’a rien à voir : un groupe de médecins, au nom d’un organisme d’Etat, appelle à ce que le docteur Raybaud appelle “un triage systématique et organisé” au terme duquel on exclut de la réanimation les personnes dites fragiles – parce qu’on ne peut pas dire vieilles parce que ce serait politiquement incorrect. C’est cela qui s’est passé avec la circulaire de la honte (du 19 mars 2020) de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, reprise comme référence par le Ministère de la Santé. »
« En quelques jours après la rédaction de la circulaire du 19 mars, la proportion de patients de plus de 75 ans en réanimation est passée de 19% à 7% et celle de plus de 80 ans de 9 à 2%. »
« Quand on lit la circulaire du 19 mars, on a envie de vomir. Ces gens vont jusqu’à écrire, à propos des personnes non-admises en réanimation “les soins ne sont pas interrompus mais s’intègrent dans un accompagnement en collaboration avec les spécialistes d’une prise en charge palliative afin d’assurer une absence de souffrance et une fin de vie digne et apaisée”. On croirait du Alexis Carrel, du Karl Brandt ou des opérations eugénistes et euthanasistes. »
« Sur presque tous les médias à l’exception du Média, de Médiapart et du Canard enchaîné, on nie l’existence de cette circulaire de la honte du 19 mars ou on essaie d’en diminuer son importance. »
« Il y aura un procès et je pense que cette circulaire sera une pièce à conviction lorsque le procureur demandera des condamnations pour toute une série de responsables de l’Etat, du gouvernement et de ceux qui ont écrit ce texte. »
« L’eugénisme n’a pas commencé en 1939 dans l’Allemagne nazie avec comme conséquence l’extermination de 100.000 malades mentaux, dont une bonne partie par le gaz. »
« Dans l’histoire de nos pays, l’eugénisme a été pratiqué aux Etats-Unis, en Finlande, au Danemark, dans certains cantons de Suisse et en Suède où on a continué à pratiquer l’eugénisme jusqu’en 1976 (63.000 femmes suédoises ont été stérilisées de force parce qu’elles n’étaient pas dans les critères retenus). »
« Il y a un engrenage auquel il faut réfléchir parce qu’il s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire de nos pays – et pas uniquement de l’Allemagne nazie : si on commence avec les vieux, on peut continuer avec les malades mentaux et physiques et on peut ajouter au choix, les juifs, les tsiganes, les musulmans, les homosexuels… »
« Les gens qui tiennent des propos eugénistes comme André Comte-Sponville – que j’ai connu plus inspiré quand il faisait partie de l’Union des Etudiants communistes de la Sorbonne – ou Valérie Fournier – qui se présente comme fondatrice d’un centre d’études cliniques -, mettent le doigt dans un engrenage dont on ne sait pas où il peut nous mener. »