« La santé des gens ne peut être prise en otage pour des histoires de profits »
16 juin 2020 – Des fenêtres où les Français ont applaudi chaque soir de leur confinement à la mobilisation de rue, il n’y a qu’un pas ? Aujourd’hui, partout en France, les soignants manifestent. Sabrina Ali Benali, médecin aux urgences médicales de Paris, auteur de “La révolte d’une interne – Santé, hôpital : état d’urgence” (Le Cherche Midi), est l’invitée de #LaMidinale. www.regards.fr
Sur l’hôpital public pendant la crise « Pendant la crise, l’hôpital public n’a pas tenu bon. » « Quand j’ai écrit mon livre, il y a deux ans, on avait déjà la sensation qu’il y avait une urgence. » « Ce qui a tenu, c’est d’arriver à s’occuper d’un maximum de patients Covid-19 en oubliant tout le reste. Et en envoyant des patients dans d’autres pays. » « On aurait pu sauver des vies. On aurait pu éviter des morts. »
Sur la possibilité d’une nouvelle vague « On fera tout le temps notre travail. C’est notre travail et c’est d’ailleurs pour ça qu’on dit qu’on n’est pas des héros et qu’on n’a pas besoin de médailles. » « On fait notre travail tous les jours avec des moyens insuffisants. » « Selon que vous êtes dans le XVIe ou le XIXe arrondissement de Paris, vous n’avez pas la même chance de survie à un infarctus. » Sur la commission d’enquête parlementaire « J’ai vraiment perdu toute confiance dans nos dirigeants. » « Je croyais qu’il y avait des limites qu’ils ne franchiraient pas : nous laisser aller à l’hôpital sans équipement tout en racontant qu’on recevait des équipements. Même avec eux, j’imaginais que des camions militaires allaient arriver avec des cartons de masques. » « Pour être honnête, je n’attends plus rien de ces gens-là. » « La seule chose que je veux, c’est qu’ils s’en aillent. » « Dans les Ehpad, on ne s’est donné aucun moyen d’être humains. » « Ce n’est pas de la médiocrité parce qu’ils ne sont pas médiocres avec tout le monde. C’est du mépris. Leurs seuls copains, c’est le monde des riches, le monde de l’argent et de la finance, le monde de cette caste qui marche sur tous les autres. »
Sur la manifestation des soignants « La seule raison pour laquelle je vais aller dans la rue cette après midi c’est pour leur dire qu’on ne les lâchera pas d’une semelle, jusqu’à ce qu’ils dégagent. » « Il va y avoir beaucoup de monde. » « Il y a beaucoup d’appels à mettre des draps blancs aux fenêtres pour ceux qui ne pourraient pas venir manifester. » « Des gens sont dans une position de sidération avec tout ce qui leur tombe dessus : les profs apprennent qu’ils ne foutent rien. Les réformes continuent d’arriver. C’est comme si on prenait une baffe chaque jour. » « Je comprends que les gens n’aient pas l’énergie d’aller défendre les soignants avec tout ce qui leur tombe dessus. » « On doit réussir à coordonner l’ensemble des colères. »
Sur le déplacement d’Emmanuel Macron sur un site de production de Sanofi « J’avais soutenu, à l’époque de la présidentielle, le programme santé de l’Avenir en commun qui prévoyait la création d’un pole public du médicament et on a bien compris l’intérêt de cette mesure dans la période. » « On manquait d’une soixantaine de molécules : on manquait d’anticancéreux, d’anti-diabétiques. On a aussi manqué de corticoïdes. » « Il y a certains secteurs – notamment celui du médicament -, où il apparait essentiel d’être indépendant. » « La santé n’est pas une marchandise. La santé n’est pas un pull H&M. La santé des gens ne peut pas être prise en otage sur des profits. »