Quentin Parrinello : « Depuis 2009, les versements aux actionnaires du CAC40 ont augmenté de 70% »
25 juin 2020 – Oxfam France vient de publier son rapport sur les profits du CAC40. Une analyse détaillée avec des données inédites et deux enseignements majeurs : les profits ont été inégalement répartis et la richesse générée n’a pas profité à l’investissement dans la transition énergétique. Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France, est l’invité de #LaMidinale. www.regards.fr
Sur la méthode utilisée pour l’enquête « C’est un long travail qu’on a commencé il y a neuf mois avec un comité d’experts parmi lesquels des syndicats, des économistes – y compris des économistes qui ne sont pas d’accord avec nous -, des chercheurs et des associations. » « On se base sur les données issues des entreprises, entreprise par entreprise, sur les écarts de salaires, la part des bénéfices redistribuées aux actionnaires ou encore la part des femmes dans les instances dirigeantes. » « On a aussi travaillé sur des données qui ne sont pas publiques et qui sont transmises aux entreprises par les chambres de commerce. Il s’agit de données qu’on donne secteur par secteur parce qu’on n’a pas le droit de les donner entreprise par entreprise. »
Sur le profil type de l’actionnaire du CAC40 « On a étudié le profil type des actionnaires et son évolution dans le temps. » « Le profil type de l’actionnaire c’est un homme, plutôt âgé, et très aisé. » « Les 2/3 des actionnaires français ont un portefeuille supérieur à 75000 euros ce qui est assez loin du salaire moyen français. » « Il y a une part de plus en plus importante des grandes familles : à la veille de la crise on avait quatre grandes familles qui possédaient l’équivalent de 10% du CAC40 soit une augmentation de 50% depuis 5 ans. »
Sur l’évolution de la richesse produite « Les entreprises du CAC40 ont créé beaucoup de richesse depuis 2009. Le chiffre d’affaire a augmenté de 25%, la valeur ajoutée de 30%. C’est une croissance solide mais qui est décorrélée des augmentations des versements aux actionnaires. » « Les entreprises ont créé de la richesse et ce qui nous intéresse dans le rapport, c’est les choix stratégiques des entreprises. » « Les entreprises du CAC40 ont fait le choix de verser une part de plus en plus importante des richesses à leurs actionnaires au détriment d’une politique de réduction des inégalités salariales – les écarts de salaires augmentent – et aussi au détriment d’un investissement à la hauteur des besoins dans la transition énergétique. »
Sur la stratégie des entreprises du CAC40 « Les choix stratégiques des entreprises ne sont pas dus au hasard et sont liés au fonctionnement même du modèle économique du CAC40. » « Les PDG sont incités financièrement à mettre en place des politiques favorables à leurs actionnaires. » « Les actionnaires ont une part de plus importante de leur rémunération qui est indexée sur des critères de satisfaction de la bourse. » « Quand un PDG met en place un choix stratégique défavorable aux actionnaires, il s’expose à une sanction financière. » « Au-delà de l’indexation des PDG sur les intérêts des actionnaires, il y a aussi la voix disproportionnée des actionnaires dans les instances de gouvernance. » « En France, au sein du CAC40, les représentants des salariés sont environ 12% des conseils d’administration contre 33% en Europe. »
Sur les inégalités femmes/hommes dans le CAC40 « Sur la question des inégalités hommes/femmes, on s’aperçoit que lorsqu’on met en place une loi, ça marche. » « Depuis la loi Copé-Zimmermann dès années 2010, la impose 40% de femmes dans les conseils d’administration et la France est championne du monde en termes de femmes dans les CA alors qu’elle était plutôt en queue de classement au début des années 2010. » « Lorsqu’on laisse le choix aux entreprises, ça va beaucoup plus lentement. L’enjeu d’une loi est donc d’autant plus important que tout le monde joue les mêmes règles du jeu. »
Sur l’absence d’investissement des entreprises du CAC40 « Les entreprises nous expliquent que s’il conduisent des politiques favorables aux actionnaires, c’est pour qu’ils réinvestissent dans l’économie réelle. Or aujourd’hui, on n’a pas de données pour le vérifier. »
Sur le poids des actionnaires dans les choix stratégiques « On a un modèle économique qui donne la part belle aux actionnaires et des actionnaires qui mettent la pression sur les choix stratégiques des entreprises. » « Si un actionnaire n’est pas content, il peut forcer la main de son entreprise a verser davantage de dividendes que l’entreprise ne le prévoyait – ça s’est déjà vu chez vivendi il y a quelques années par exemple – mais il peut aussi quitter l’entreprise. Un mouvement massif des actionnaires peut faire baisser les cours de la bourse et c’est un risque pour la viabilité de l’entreprise qui peut se faire racheter par des entreprises concurrentes. »