Mathilde Larrère : « La Commune n’est pas morte mais hélas, Versailles non plus ! »
18 mars 2021 – Le 18 mars 1871 étaient érigées les premières barricades dans Paris. Il y a 150 ans, c’était le début de la Commune. On en parle dans la Midinale avec l’historienne spécialiste des mouvements révolutionnaires du XIXe siècle, Mathilde Larrère.
Sur les commémorations « Tout dépend qui commémore : si c’est officiel et institutionnel – et quelle institution – ou si c’est spontané, ce n’est pas la même chose. » « Une commémoration de la Commune par les Amis et les Amies de la Communes ou une manifestation spontanée comme il y a aujourd’hui à 14h, ce n’est pas la même chose que si c’est une décision officielle par le président de la République, des tribunes et tout le flonflon avec la garde républicaine qui joue la Marseillaise. » « Les commémorations sont des prétextes à ce qu’il y ait beaucoup de travaux et de livres qui sortent. » « Toute commémoration va susciter des débats mémoriels : on le voit avec la Commune avec, sur les plateaux, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. » « En tant que militante, ça me fait marrer de commémorer la Commune : des artistes qui font des affiches, des pièces de théâtre… » « La Commune fait partie des évènements que je reconnais dans ma culture militante. » « Le propre du débat scientifique, c’est de se détacher de tout roman national, qu’il soit de gauche ou de droite. Ce n’est pas une commémoration qui va bloquer le débat scientifique. » « Il y a un côté enterrement dans la commémoration : ça veut dire que l’on apaise, que c’est définitivement dans le passé, on muséifie… » « Les commémorations du centenaire de la Commune ont boosté profondément la mémoire militante de la Commune. »
Sur la répression de la Commune « Personne n’ose célébrer la répression de la Commune. » « La Commune n’est pas morte mais Versailles non plus ! On en a eu pas mal d’illustrations récemment : le discours anti-communard, le discours qui renvoie la Commune à l’ordre du désordre et de la subversion» Sur la célébration de la Commune « Moi, je célèbre un grand moment d’invention, de laboratoire d’idées, de réflexions sur la démocratie, ses formes les plus justes et les plus sociales, un moment où on a réfléchi à la place du travail dans la vie des gens, à la place des femmes dans le travail, à la place des femmes dans la société, à un moment où on a réfléchi à un monde plus juste, à un moment où on a essayé d’inventer des formes pour le mettre en place. » « Je célèbre ce moment où l’on a cru à une République démocratique et sociale le plus possible pour toutes et tous. »
Sur la réalité des mesures prise par la Commune « Certaines mesures ont eu le temps d’être appliquées, d’autres moins. » « Il y a toute une réflexion sur le système scolaire : des écoles se sont formées mais n’ont pas duré. » « L’idée d’une justice gratuite a été plus difficile par exemple parce que cela se fait sur un temps plus long. » « Un exemple de réforme qui n’a pas eu le temps de se faire, c’est la réquisition des ateliers abandonnés par les patrons qui avaient fui Paris sous la Commune : il a fallu les recenser pour les donner en association aux travailleurs. Mais quand le recensement a été effectué, on est que quelques jours avant l’entrée des Versaillais donc ça n’a pas pu se faire. » « Plein de coopératives de travailleurs et de travailleuses se sont mises en place. » « Pendant un temps, les maisons closes ont été fermées et les prostituées ont été beaucoup plus libres. »
Sur la lutte des classes « Si on parle de la lutte des classes au sens purement marxistes, c’est-à-dire prolétaires contre capitalistes, c’est assez compliqué parce que le peuple de Paris n’est pas entièrement prolétaire : il y a beaucoup de petits patrons qui sont commerçants ou artisans. Le monde de la boutique et de la fabrique fait partie des classes populaires. Donc dans une acception qui mettrait les petits contre les gros, oui, il y a eu lutte des classes. » « La Commune, c’est une lutte fondamentalement politique : c’est la République démocratique et sociale contre la monarchie conservatrice mais aussi contre la République libérale. Là, on ne parle pas que de lutte des classes mais de lutte politique qui a structuré tout le XIXe siècle. »
Sur le caractère républicain de la Commune « La Commune est fondamentalement républicaine. » « Il n’y a pas qu’une seule République : il y en a toujours eu au moins deux qui se sont déjà affrontées en 1848 et entre 1792 et 1795. » « Une des raisons de la Commune, c’est l’élection du chambre dominée par des monarchistes. » « Il ne faut jamais oublier les Communes de province même si elles ont duré moins longtemps : au Creusot, à Lyon, à Dijon, à Narbonne, à Marseille, à Limoges… »
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