LREM se met en mode campagne pour tenter de relever la tête
La République en marche dévoile une nouvelle équipe beaucoup plus politique. Objectif : la « reconquête » de l’opinion, les prochains scrutins en ligne de mire. Pour les européennes, le numéro 1 du parti, Stanislas Guérini, fait de Marine Le Pen et du RN, « parti du mensonge », son seul adversaire.
Pour rebondir face à la crise des gilets jaunes, le pouvoir ne compte pas seulement sur le grand débat et les différentes mesures déjà annoncées. La République en marche, dirigée par Stanislas Guérini depuis le 1er décembre, compte jouer un rôle structurant (voir le sujet de Jonathan Dupriez). Et le parti présidentiel va faire ce pour quoi il a été créé : mener campagne pour les élections. Et si possible les remporter.
Poids lourds
« On est clairement en campagne (…) pour réussir le grand débat et les élections européennes » explique au micro de Public Sénat le délégué général de LREM, à l’issue d’une conférence de presse où le député a présenté le nouvel organigramme. Le lieu choisi, La Bellevilloise, dans le nord-est de la capitale, accueille habituellement les partis de gauche, notamment le PS. Regardez Stanislas Guérini :
La nouvelle équipe se veut beaucoup plus politique. « On a pris des poids lourds » décrypte un des dirigeants du parti. La secrétaire d’Etat Marlène Schiappa et le député Aurélien Taché sont chargés du débat d’idées. Guillaume Chiche et Laurent Saint-Martin, de la prospective. « Il faudra continuer à mieux converser avec les associations, les corps intermédiaires, qu’on a trop souvent délaissés, notamment au pouvoir » souligne Pierre Person, numéro 2 du parti (voir la vidéo ci-dessous). C’est la mission du député Sacha Houlié et de Philippe Granjeon – qui vient également d’être officiellement nommé conseiller spécial d’Emmanuel Macron. Ils sont chargés de renouer le dialogue avec les formations syndicales.
Pour mieux communiquer, le parti compte quatre porte-paroles dont la députée Aurore Bergé, chargée aussi de la riposte face aux fake news.
L’action de Christophe Castaner critiquée en creux
« Le parti sera le maillon fort de l’écho système dans les prochains mois » assure Pierre Person. La page Castaner est clairement tournée. En creux, on sent la critique contre l’ancien délégué général. « On va vraiment remettre le mouvement en marche » lâche Aurore Bergé, « il faut être dans une phase de reconquête ».
« Je n’ai pas vu un mouvement amorphe quand j’ai pris ces responsabilités » tempère Stanislas Guérini, mais « parfois, nous avons manqué à nos adhérents. Nous ne leur avons pas donné suffisamment les bons outils pour aller sur le terrain, réussir nos enjeux d’implantation territoriale. Je continue le travail fait par Christophe Castaner, mais c’est vrai, il faut l’accélérer ». Les « marcheurs », nom donné aux militants chez LREM, seront ainsi remis à l’honneur. Le parti revendique plus de 400.000 adhérents. Un chiffre qui serait même en hausse, assure le nouveau numéro 1. « Il faut retrouver l’ADN d’En Marche » résume Aurore Bergé. Le « bottum-up » de la présidentielle, oublié depuis la victoire de 2017, sera remis au goût du jour.
Sous couvert d’anonymat, un autre haut responsable du parti est moins diplomatique sur l’action de Christophe Castaner :
« En deux mois, on a produit plus de choses qu’en un an et demi. Ça repart et on rattrape un retard accusé au démarrage, au premier trimestre 2018 ».
La tête de liste pour les européennes, « un mouton à cinq pattes qui n’existe pas »
Le premier test grandeur nature sera les élections européennes de mai prochain. Mais le parti n’a toujours pas trouvé sa tête de liste. Il faudra attendre fin février ou mars. Un responsable préfère encore en rire : « On va finir par mettre une annonce… » Le profil idéal ? « C’est un mouton à cinq pattes qui n’existe pas. C’est dur ». L’hypothèse de la présence sur la liste du journaliste Bernard Guetta, que publicsenat.fr évoquait début novembre, reste toujours d’actualité. « C’est une hypothèse à taux de probabilité raisonnable… » selon le même responsable.
A défaut de leader pour les européennes, LREM a déjà trouvé clairement son adversaire : le Rassemblement national (ex-FN). « Le RN est le parti du mensonge », attaque Stanislas Guérini, Marine Le Pen « est capable de mentir de manière éhontée » sur le « Traité d’Aix La Chapelle ». Pas un mot en revanche sur les autres partis… LREM dessine un mano à mano avec l’extrême droite dont il a tout intérêt. Selon les sondages, le parti pourrait finir en tête. Et l’annonce d’une liste gilets jaunes pourrait faire ses affaires, en affaiblissant le RN ou FI (lire notre article sur le sujet). Mais chez LREM, on ne veut pas le reconnaître. Du moins officiellement.
Départementales, municipales : tout ou presque reste à faire sur le plan local
Les prochains scrutins locaux sont déjà en ligne de mire dans « une approche projet », lance Stanislas Guérini, dans un verbiage très start up nation. Le tandem formé du secrétaire d’Etat Sebastien Lecornu et du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, Jean-Yves Gouttebel, est chargé de préparer les élections départementales de 2021. Un autre (les députés Florent Boudié et Olga Givernet) planche sur les régionales de 2021. Et bien sûr les municipales de 2020. Le sénateur du Val-d’Oise, Alain Richard, est chargé de cette mission avec la députée Marie Guévenoux. A noter que les sénatoriales, qui avaient été difficiles en 2017 en raison du mode d’élection, ne sont pas évoquées.
Tout, ou presque, reste à faire sur le plan local. Pour les municipales, le parti ne peut pas se permettre d’être trop exigeant en imposant partout ses candidats encartés LREM. La doctrine fixée lorsque Christophe Castaner était à la tête du parti, reste d’actualité.
L’idée est d’avoir un « renforcement du mouvement dans certains cas, avec une liste centrée autour de nous, avec un ou une leader En Marche, là où nous avons la légitimité et l’opportunité de le faire. Et dans d’autres endroits, en constatant que des gens font un travail suffisamment en ligne avec nos idées, il ne faudra pas créer un clivage inutilement, mais chercher le rassemblement » explique Alain Richard (voir la vidéo ci-dessous). Autrement dit, LREM vise des maires de centre-droit, comme Benoist Apparu, Christophe Bechu ou Christian Estrosi. « Pas seulement de centre-droit… » ajoute l’ancien socialiste Alain Richard.