Ugo Palheta à propos du second tour : « On est coincé entre le fascisme et la fascisation »
Ugo Palheta est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’extrême droite dont “La possibilité du fascisme” aux Editions de La Découverte. Cette fois, c’est dans un livre entretien avec Omar Slaouti et les équipes de La Dispute qu’il publie “Défaire le racisme, affronter le fascisme”. Il est l’invité de #LaMidinale.
VERBATIM
Sur l’absence d’appel à se mobiliser contre l’extrême droite « Il y a une banalisation du danger mortel que représente l’extrême droite. Une perte de cette idée, pas seulement dans les organisations de gauche, mais dans le peuple de gauche. » « 20 ans de politiques néolibérales, autoritaires, islamophobes, etc., ont créé le sentiment qu’il n’y avait plus de différences entre la droite et l’extrême droite. » « Pourquoi se mobiliser davantage contre Le Pen que contre Macron après cinq ans de brutalisation terrible des mobilisations sociales, des migrants ? Beaucoup de gens peuvent penser que ce n’est pas forcément nécessaire, légitime, de chercher à contrer spécifiquement l’extrême droite. » Sur l’incapacité de la gauche à prendre en compte la « domination raciale » « Il y a eu des franches trahisons, du PS et du PC dès les années 80, avec des discours très islamophobes. » « Dans l’ensemble de la gauche radicale et révolutionnaire, sur la question de l’islamophobie, on a vu des militants d’extrême gauche qui ont exclu des élèves qui portaient un foulard au début des années 2000, initiant l’affaire du foulard de 2003 qui a abouti à la loi de 2004, qui est un pilier de l’islamophobie institutionnalisée en France. » « Même y compris parmi ceux qui n’avaient pas trahi, il y a eu une incapacité à prendre au sérieux la question du caractère structurel des discriminations, de la ségrégation raciale dans les territoires, dans l’école. Alors même que les études qui comparent les discriminations, par exemple dans le monde du travail, entre différentes sociétés, notamment du Nord, montrent que la France présente un des plus hauts niveaux voire le plus haut niveau de discriminations vis-à-vis des minorités raciales. Là, il y a un truc incroyable ! Le fait que cette question ne soit pas politisée, ne soit pas construite comme un enjeu politique par la gauche depuis des décennies fait que ça a été compliqué de raccrocher les wagons avec celles et ceux qui se prennent en pleine gueule tous les jours le racisme. »
Sur le passage du paternalisme aux accusations de communautarisme « Il y a une accusation qui vient de la gauche et qui est reprise par l’ensemble du champ politique, qui consiste à pointer le fait que des mobilisations autonomes, c’est-à-dire animées par les premiers concernés par le racisme, traduiraient une forme de communautarisme ou de séparatisme. » « On ne reprocherait pas aux femmes d’animer en tant que premières concernées les mouvements féministes. » « Ce mouvement a généré une forme de backlash de la part de la droite, de l’extrême droite et existe aussi à gauche, de la part de secteurs issus du Printemps républicain. C’est un poison. » « Le candidat de gauche qui se situait le plus sur cette ligne, à savoir Fabien Roussel, a obtenu 2,3%. Jean-Luc Mélenchon, qui a tenu une ligne très ferme contre l’islamophobie, contre les violences policières, est apparu comme le moyen de défense électoral pour des millions de gens qui subissent le racisme. »
Sur la particularité française à l’islamophobie « L’islamophobie est un phénomène international – notamment dans le monde occidental. » « En Europe, l’islamophobie est partout présente, à des degrés différents et sous des formes différentes. En Allemagne, on a vu des mobilisations de masse spécifiquement contre les musulmans. En Italie, on a vu une intellectuelle très connue – adoubée par Alain Finkielkraut – qui a vendu des tonnes de livres radicalement islamophobes. Elle disait des musulmans qu’ils se reproduisaient comme des rats. » « La spécificité de la France, c’est qu’il y a eu des lois, des circulaires, des décrets, qui ont ciblé spécifiquement les musulmans. Sans les nommer, sinon ça ne passerait pas d’un point de vue constitutionnel, mais ça ne trompe personne. La loi de 2004 sur les signes religieux dits ostentatoires à l’école était intégralement motivée par la lutte contre l’intégrisme musulman. La loi Séparatisme est encore un exemple. C’est encore une loi intégralement motivée, soi-disant, par la lutte contre l’intégrisme et qui aboutit à des fermetures de mosquées, des dissolutions d’organisations. » « En France, contrairement à d’autres pays, les gouvernements ont cherché à institutionnaliser cette haine des musulmans dans la loi. »
La suite du verbatim est à retrouver sur www.regards.fr