KEMWATT met au point une batterie propre pour les énergies renouvelables
29 mars 2018 – Startup issue des laboratoires de l’Université de Rennes 1 et des travaux menés par l’équipe “Matière condensée et systèmes électroactifs” de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, KEMWATT apporte, en produisant le premier démonstrateur industriel mondial d’une batterie redox avec des molécules organiques, biodégradables et recyclables, une réponse compétitive aux demandes des marchés du monde entier.
Une équipe issue d’un laboratoire rennais développe une batterie à électrolytes circulants organiques, non toxiques, non corrosifs, recyclables et biodégradables.
Le développement des énergies exploitant le vent, le soleil ou la mer, renouvelables mais par nature intermittentes, dépend de la disponibilité de solutions de stockage adaptées. Les batteries à électrolytes circulants – ces liquides conducteurs circulent au travers des électrodes – sont une voie prometteuse. Surtout si ces électrolytes sont eux aussi renouvelables. C’est ce que promet la jeune entreprise rennaise Kemwatt.
Didier Floner, chimiste, travaille depuis 1991 à l’université de Rennes sur les batteries, leurs électrodes et électrolytes… et plus particulièrement les batteries à flux, ou batteries à électrolytes circulants. Avec Florence Geneste, qui poursuit également des recherches sur ce sujet, ils mettent au point, au sein de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, un type de batterie innovant, qui utilise des électrodes poreuses en feutre de graphite métallisé et, comme électrolytes, des molécules organiques biodégradables, dont l’impact environnemental sera négligeable.
Une batterie à électrolytes circulants comporte deux réservoirs d’électrolytes liquides reliés à une cellule électrochimique. Cette dernière est divisée en deux compartiments, séparés par une membrane semi-perméable permettant l’échange d’ions. Des pompes font circuler les électrolytes à travers les électrodes poreuses qui occupent ces compartiments. Pendant la charge, sous l’effet de la tension appliquée sur les électrodes, l’un des électrolytes cède des électrons, tandis que l’autre en capte. Au cours de la décharge, l’inverse se produit et engendre un courant électrique.
Or l’électrolyte circulant le plus utilisé aujourd’hui contient du vanadium, métal assez rare, dissous dans un milieu très corrosif. Le procédé pose des problèmes de sécurité et le recyclage des électrolytes est coûteux.
Les travaux de l’équipe rennaise explorent donc une nouvelle filière faisant appel à des électrolytes organiques nettement plus « propres » tout au long du cycle de vie. « Nous étudions des molécules biodégradables, ni corrosives ni toxiques, qui peuvent être produites à partir d’une matière première abondante, en une ou deux réactions chimiques simples et propres, assure Didier Floner. Des molécules qui ne représentent pas un risque pour l’homme ou la nature en cas d’accident. Et que l’on pourra recycler facilement. »
Matériaux peu onéreux
Alors que la puissance électrique délivrée par la cellule électrochimique dépend essentiellement de la surface des électrodes, l’énergie stockée par ce type de batterie ne dépend que de la quantité d’électrolytes disponible dans les réservoirs. En faisant appel à des matériaux organiques peu onéreux, la technologie de Kemwatt peut offrir des capacités élevées à peu de frais. En 2013, la Société d’accélération du transfert de technologies Ouest Valorisation, implantée en Bretagne, prend conscience du potentiel de ces travaux et finance la réalisation d’une preuve de concept et d’une étude de faisabilité. Elle trouve en la personne de François Huber l’entrepreneur qu’elle cherche. Cet ingénieur cumulant quinze ans d’expérience de gestion de projets industriels devient le président de l’entreprise créée en 2014, avec Didier Floner et Florence Geneste pour conseillers scientifiques.
Kemwatt construit, en 2016, un prototype de 10 kW. L’année suivante, l’entreprise réalise un démonstrateur « conteneurisé », donc aisément transportable, d’une puissance comparable. En avril dernier, elle a remporté le Concours mondial de l’innovation du ministère de l’Économie et des Finances, ce qui devrait lui permettre d’obtenir des fonds pour réaliser un modèle de 100 kW. L’heure est aujourd’hui aux tests et aux formalités de certification. La production en série devrait démarrer en 2020.
« De par leur conception, nos batteries nécessitent très peu d’entretien et pourront être installées n’importe où, au pied des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques dont elles stockeront l’énergie, estime François Huber. Leur durée de vie sera de quinze à vingt ans, comparable à celle de ces installations. »
Photo : François Huber (à g.), président, et Jérémy Allix, ingénieur de Kemwatt, qui vient de remporter le Concours mondial de l’innovation. © Kemwatt
Créée en août 2014
Levée de fonds : 1,20 million d’euros en 2016
Effectif : 12
Les batteries à flux existantes, notamment en Chine et au Japon, font appel au vanadium. « C’est un métal peu abondant, précise Didier Floner, qui implique un électrolyte très acide, dangereux et difficilement recyclable. » A contrario, les chercheurs rennais de Kemwatt travaillent sur des électrolytes plutôt alcalins et espèrent obtenir des solutions dont le pH est proche de la neutralité. Ils ont notamment étudié la famille des quinones, molécules comportant un cycle de benzène (C6H6) dont deux atomes d’hydrogène sont remplacés par deux atomes d’oxygène. « Les quinones sont très répandues dans la nature », ajoute Florence Geneste. Kemwatt sélectionne celles qui offriront un cycle de vie plus propre, durable et économique.
Source : www.larecherche.fr/start…