[Lecture] – Hystérisation du moi – L’insurrection qui vient , écrit par le Comité invisible
Voilà une de mes lectures récente issue d’un manifeste anarchiste “L’insurrection qui vient” , écrit par le Comité invisible.
ChriStopH
Texte lu :
Mon corps m’appartient. Je suis moi, toi t’es toi, et ça va mal. Personnalisation de masse. Individualisation de toutes les conditions de vie, de travail, de malheur. Schizophrénie diffuse. Dépression rampante. Atomisation en fines particules paranoïaques. Hystérisation du contact. Plus je veux être Moi, plus j’ai le sentiment d’un vide. Plus je m’exprime, plus je me taris. Plus je me cours après, plus je suis fatigué.
En attendant je gère. La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul … ce qu’il faut de prothèses pour faire tenir un Moi ! Si la société n’était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait l’ensemble des béquilles existentielles que l’on me tend pour me permettre de me trainer encore, l’ensemble des dépendances que j’ai contractés pour prix de mon identité.
L’injonction partout, à être quelqu’un entretient l’état pathologique qui rend cette société nécessaire. L’injonction à être fort produit la faiblesse par quoi elle se maintient, à tel point que tout semble prendre un aspect thérapeutique, même travailler, même aimer. Tous les ça va qui s’échangent en une journée font songer à autant de prises de température que s’administrent les uns aux autres une société de patients.
La maladie, la dépression, prise comme faits, mes défaillances peuvent aussi amener au démantèlement de l’hypothèse du moi. Le Moi n’est pas ce qui chez nous est en crise, mais la forme que l’on cherche à nous imprimer.
La société veut faire de nous des Moi bien délimités, bien séparés, classables et recensantes par qualités, bref ; contrôlables, quand nous sommes créatures parmi les créatures, singularités parmi nos semblables.
L’intelligence n’est pas de savoir s’adapter, et si c’est une intelligence c’est celle des esclaves.