D’où vient le capitalisme ? D’une évolution naturelle de nos sociétés ou de théories élaborées au fil des changements politiques et technologiques ? Pour y répondre, des villages de chasseurs amazoniens aux derniers communistes chinois, en passant par les traders de la City, les six épisodes de la série Capitalisme nous entraînent à travers plus de 22 pays dans une enquête rigoureuse qui ne craint pas de renverser les vieilles idoles et de mettre à mal les idées reçues. Plus d’une vingtaine d’intervenants à la pointe de l’actualité économique nous éclairent pour ce voyage dans le monde de l’après-crise 2008, sur les traces des grands penseurs qui ont jalonné l’histoire du capitalisme.
Serie ARTE 2014 ⎜ Réalisateur Ilan Ziv
« J’appartiens à une génération qui, à la fin des années 1960, a beaucoup débattu des questions économiques, politiques et sociales, se souvient le réalisateur Ilan Ziv. Mais aujourd’hui, nous sommes tenus à l’écart de la compréhension critique du système économique, réduits à subir passivement une avalanche de chiffres incompréhensibles, sans pertinence pour appréhender le réel. » Comment ne pas lui donner raison ? Nous baignons dans un bouillon ésotérique où surnagent des formules telles que « taux de croissance », « courbe du chômage », « pourcentage de déficit »… Vue à travers nos lunettes (déformantes), l’économie du XXIe siècle ressemble à un algorithme chinois. Et on ne pense rien d’un algorithme chinois.
Mais nous voyons mal. C’est pour dissiper le brouillard ambiant que le producteur Bruno Nahon et le réalisateur Ilan Ziv ont entrepris cette somme documentaire en six volets. Ils soutiennent que plutôt que de sonder notre époque le nez dans le guidon, par exemple en auscultant la crise de 2008, qui révéla brusquement le capitalisme dans sa réalité la plus crue, mieux vaut prendre du recul. Plonger jusqu’à ses origines – qu’ils situent au moment de la découverte des Amériques, dans la relation qui se noue entre les conquistadors et les financiers (privés) de leurs expéditions. Relire les grands penseurs du capitalisme : Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, John Maynard Keynes, Friedrich Hayek… Et comme dit Ilan Ziv, « isoler l’ADN du capitalisme ». Un boulot monstre, quatre ans de lectures tous azimuts, de consultations d’économistes, d’historiens, de sociologues, de cogitations…
La démarche peut paraître scolaire, elle s’avère plutôt décapante. Elle permet de prendre conscience que certains des grands principes qui légitiment notre économie actuelle reposent sur du vent. Ou que la sacro-sainte formule (magique !) dite de « la main invisible » du dieu Adam Smith a été détournée de son sens originel. C’est un exercice de déconstruction, en somme.
Surtout, Capitalisme montre que non, l’économie de marché n’est pas une science exacte, faite d’équations à la fois impénétrables pour nous autres simples mortels et indiscutables. C’est une idéologie. Et donc un champ que les citoyens doivent réinvestir. Comme l’explique l’économiste Robert Boyer, l’un des intervenants de la série, « l’économie est trop sérieuse pour être laissée aux économistes ».