Le temps des ouvriers (part1) Le temps de l’usine
28 avr. 2020 – Du début du XVIIIe siècle à nos jours, Stan Neumann déroule sur plus de trois siècles l’histoire du monde ouvrier européen, rappelant en une synthèse éblouissante ce que nos sociétés doivent aux luttes des “damnés de la terre”.
Le temps des ouvriers
Série documentaire de Stan Neumann (France, 2020, 57mn)
Episode 1 : le temps de l’usine
Dès le début du XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, une nouvelle économie “industrielle et commerciale”, portée par le textile, chasse des campagnes les petits paysans et les tisserands indépendants. Pour survivre, ils doivent désormais travailler contre salaire dans des fabriques (factories) qui rassemblent plusieurs milliers d’ouvriers, sur des métiers appartenant à des marchands devenus industriels. C’est la naissance de la classe ouvrière anglaise. Le travail en usine, le Factory System, où seul compte le profit, impose aux déracinés une discipline et une conception du temps radicalement nouvelles.
Avec la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle, ils subissent un dressage plus violent encore, sous la loi de machines qui réduisent l’ouvrier à un simple rouage. Surexploitée et inorganisée, cette classe ouvrière primitive, qui oppose à la main de fer de l’industrie naissante des révoltes spontanées et sporadiques, va mettre plusieurs générations à inventer ses propres formes de lutte, dans une alliance parfois malaisée avec les républicains anglais, inspirés par la Révolution française de 1789. Ses revendications sont sociales et politiques : réglementation du travail des enfants, salaires, durée du temps de travail, liberté syndicale, droit de grève, suffrage universel… Dans les années 1820, après des décennies de combats perdus, une classe ouvrière anglaise puissante et combative semble en mesure de faire la révolution.
Episode 2 : Le temps des barricades Série documentaire de Stan Neumann (France, 2020, 59mn)
En Europe continentale, seule la Belgique adopte le” Factory System” et le libéralisme absolu à l’anglaise, devenant ainsi au milieu du XIXe siècle “le paradis des capitalistes” et l’enfer des travailleurs. La France, elle, accomplit au ralenti sa révolution industrielle, sans grandes usines ni exode rural massif, sans destruction brutale des modes de vie anciens. Les ouvriers (tailleurs, ébénistes, maçons…) travaillent à une échelle quasi artisanale pour de petites fabriques. C’est pourtant dans ce milieu que vont naître et se propager toutes les théories socialistes du siècle, sous les plumes des Fourier, Proudhon, Blanqui, Cabet – inventeur du premier “communisme”. Autant d’utopies irréalisables aux yeux du jeune penseur allemand Karl Marx, exilé à Londres et tenant d’un socialisme scientifique. De 1830 à 1871, cette classe ouvrière atypique se lance dans de grandes insurrections qui font trembler l’Europe. Toutes échouent.
La dernière, la Commune de Paris, proclame la République universelle, adopte le drapeau rouge, crée des coopératives ouvrières et instaure l’école gratuite et laïque. Elle résiste soixante-douze jours avant d’être écrasée. Sa défaite coïncide avec l’industrialisation à marche forcée de l’Italie et de l’Allemagne, pressées d’affirmer leur modernité et leur puissance. Premier parti ouvrier de masse de l’histoire, le parti social-démocrate allemand (SPD) fait du marxisme sa doctrine officielle, mais dans une optique réformiste qui remet la révolution à plus tard. Tandis que les conditions de vie et de travail, mais aussi les droits syndicaux et politiques progressent lentement, une nouvelle image de la classe ouvrière apparaît : celle de l’armée des travailleurs des temps modernes.
Episode 3 : Le temps à la chaîne
C’est la naissance de la diététique, de l’ergonomie, de la gymnastique ouvrière. Toutefois, le travail à la chaîne, inventé dès 1871 aux abattoirs de Chicago, peine à s’imposer. Ce n’est qu’après la grande boucherie de 1914-1918 que la rationalisation de la production et les techniques de “management scientifique” comme le taylorisme se généralisent malgré une violente résistance du monde ouvrier. Alors que la révolution russe a fait naître l’espoir d’une révolution socialiste mondiale, celui-ci apparaît profondément fracturé. En Allemagne, les réformistes sociaux-démocrates ont écrasé dans le sang les tentatives d’insurrection de 1919-1920. Les fascistes et les nazis s’engouffrent dans la brèche. Aidés par les crises et la montée du chômage, ils s’emparent du pouvoir, en Italie dès 1922, en Allemagne en 1933. Prétendant réaliser la synthèse du socialisme et du nationalisme au nom d’un travailleur mythique, ils proclament “la fin de la lutte des classes”.
Episode 4 : Le temps de la destruction