Gilles Martinet : « Les violences que j’ai subies étaient très clairement volontaires »
Son visage ensanglanté a fait le tour des réseaux sociaux. Gilles Martinet, doctorant à l’institut des hautes études de l’Amérique latine, a reçu un coup violent des forces de l’ordre alors qu’il prononçait un discours contre la réforme de l’enseignement supérieur. Avec sa collègue Emmanuelle Rio, maitresse de conférences à l’université Paris Saclay, ils sont les invités de #LaMidinale
Sur les violences policières contre le doctorant Gilles Martinet « Ça va, j’ai de la chance, je suis un privilégié parce que mes blessures sont bégnines. » « Depuis des années, et en particulier depuis les gilets jaunes, les blessures sont beaucoup plus graves. » « Je suis privilégié parce qu’il y a des structures de domination dans notre société, précisément celles que l’on combat, et moi j’ai des capitaux symboliques et sociaux que la majorité des victimes de violences policières n’ont pas. » « [Les violences subies] étaient très clairement volontaires. Le coup au visage était intentionnel. » « On fait face à une politique qui vise à faire peur pour que les gens ne se mobilisent pas. » « Il ne faut pas faire usage de la violence contre les forces de l’ordre. Il faut fonder des collectifs de plus en plus larges. » « Le rapport de force se construit par la grève, par toutes les actions collectives, y compris la manifestation. » « Faire collectif, ce n’est pas seulement construire un rapport de force, c’est aussi construire une autre société. »
Sur la réforme de l’enseignement supérieur « La sélection de l’entrée à l’université est l’un des volants des attaques que subit l’université. » « Les conditions d’accès à l’université sont liées à une politique plus large de transformation de ce qu’est l’enseignement, de la maternelle à l’université. » « C’est une politique d’accroissement des inégalités dans le système éducatif. » « Ce qui est pervers, c’est que dans le même temps où l’on construit en enseignement et une recherche inégalitaires de la maternelle à l’université, on renforce un discours méritocratique. » « Le discours méritocratique du gouvernement cherche à légitimer les inégalités. » « Les étudiants des classes populaires ne sont pas les plus intéressants pour les universités [à qui l’on réduit les financements ce qui oblige les universités à chercher des fonds du côté du secteur privé]. »
Sur la mise en concurrence étudiants/chercheurs/universités « Il y a une énorme volonté de mettre tout le monde en concurrence à tous les niveaux : les étudiants, les chercheurs, les laboratoires, les établissements avec une incompréhension feinte mais complète de ce que c’est que la production et la transmission du savoir, qui ne se construit pas dans la concurrence. » « La ministre ne répond pas à la souffrance de milliers de personnes qui font vivre les universités. » « Il y a une marchandisation généralisée : comment on vend les savoirs, comment on achète la production savante au lieu de la financer en amont. » « Il y a tout un pan de l’université qui échappe complètement au privé et à la possibilité de faire de l’argent : c’est ça qu’ils attaquent aujourd’hui. » « Ce qu’ils attaquent c’est l’université même parce que l’université n’a de sens que si elle est ouverte à tous, que si elle est gratuite et publique. Et ce qu’ils attaquent à travers l’université, c’est la démocratie. »
Sur la convergence des luttes et l’état de la mobilisation « La mobilisation s’amplifie et il y a une véritable repolitisation de la société à l’œuvre depuis un an, notamment grâce aux gilets jaunes qui ont transformé nos répertoires d’actions. » « Il faut qu’on puisse lutter tous ensemble dans la société et depuis des positions différentes dans les structures de domination » « On est en train de coordonner nos luttes plus que d’essayer de les faire confluer. Essayer de faire un macro-collectif ferait disparaitre nos différences. On construit un collectif réellement intersectionnel dans lequel chaque lutte depuis sa place dans les structures de domination pour les mettre toutes à terre. »
Sur la mobilisation de la jeunesse « La jeunesse a conscience de ce qui se joue et des menaces qui pèsent sur son avenir. » « La jeunesse d’aujourd’hui a grandi dans un monde néolibéral, dans un monde où on leur a dit que le pouvoir n’était pas à eux et que les décisions ne pouvaient être prises que par ceux qui ont déjà au sommet de la société. » « La jeunesse d’aujourd’hui, contrairement à la génération de 2006 et la victoire du CPE, n’a grandi qu’avec des défaites. Il une peuvent pas croire que les mobilisations collectives peuvent porter leurs fruits. Mais les choses changent parce qu’on renoue des collectifs sous de nouvelles formes. » « Il y a un autre effet qui est fort qui est l’effet du mur écologique : les jeunes ont pur pour leur avenir. Avec cette impression d’avoir une perspective à 20 ans qui est de savoir s’il y aura encore une planète. »