Courant Ahmadiyya : Discours de Macron | Séparatisme
4 oct. 2020 – | Omar Ahamed répond MTAfrançais
Mouvement fondé en 1889 en Inde par Mirza Ghulam Ahmad – simplifié en Ahmed de Qadian dans l’ouvrage – l’ahmadiyya se réclame du sunnisme, branche majoritaire de l’islam. Il compte aujourd’hui plus de dix millions de fidèles dans le monde. « Les ahmadis respectent les cinq piliers de l’islam et le credo (aqida). Ils se basent sur la Sunna, corpus des enseignements de Muhammad, mais avant tout sur le Coran, la référence suprême. »
S’il se pose un problème de droit (fiqh), les ahmadis « s’appuient sur la tradition hanafite, l’une des quatre écoles juridiques sunnites ». Asif Arif rappelle que l’islam « est une religion protéiforme et qu’elle ne peut donc guère s’envisager dans une dynamique unique : l’islam appelle nécessairement à plusieurs interprétations ». Si spécificité ahmadie il y a, elle est donc avant tout « de l’ordre de l’interprétation ».
En quoi cette approche singulière des textes a-t-elle conduit « à l’unanimité de leurs coreligionnaires », les ahmadis en dehors de l’islam ? Tout d’abord, trois revendications du fondateur d’Ahmadiyya sont sujettes à controverses :
– Un hadith (propos du Prophète) réputé fiable (hassan) dispose qu’« Allah enverra un vivificateur (mujaddid) de la religion auprès de cette communauté et ceci à l’avènement de chaque siècle ». Lorsqu’Ahmed de Qadian affirme être l’un de ces illustres savants religieux envoyés pour dynamiser la compréhension de l’islam auprès de leurs contemporains, il rencontre certaines réticences, « mais relativement discrètes puisque il peut avoir plusieurs vivificateurs en un siècle », précise Asif Arif.
– Ahmed de Qadian se revendique ensuite comme prophète. Une affirmation à l’encontre de « la compréhension littérale de l’orthodoxie d’un verset du Coran : “Muhammad n’a jamais été le père de l’un de vos hommes, mais le messager d’Allah et le dernier des prophètes. Allah est Omniscient” » (33 : 40). En effet, l’islam opère une distinction parmi les envoyés de Dieu entre les messagers (rassul) et les prophètes (nabi). Si un messager est prophète, un prophète n’est pas forcement un messager. Contrairement à un prophète, un messager apporte des prescriptions ou des révélations supplémentaires. Ainsi, pour Ahmed de Qadian, sa qualité de prophète « ne se heurte pas au prophétat de Muhammad. Il lui est soumis et n’apporte aucune autre loi ».
– Enfin, lors de la création de l’Ahmadiyya, il s’est déclaré messie. À la suite d’une révélation, Ahmed de Qadian s’est vu « promis dans l’hindouisme, le zoroastrisme et le christianisme. S’il s’est nourri d’autres sources pour justifier sa messianité, il n’a jamais opéré de syncrétisme : l’ahmadisme se réclame uniquement de l’islam ». Ces deux dernières revendications ont marqué la fracture entre l’ahmadiyya et l’orthodoxie musulmane.
La christologie particulière de l’ahmadiyya
Si Ahmed de Qadian est le messie, que devient cette croyance, presque unanime dans l’islam, au retour de Jésus, lors de la fin des temps, où il est censé vaincre l’Antéchrist (Dajjal) ? « Les ahmadis invitent à une réinterprétation métaphorique des textes eschatologiques de la Sunna. » Aux antipodes du christianisme et de l’orthodoxie musulmane, pour les ahmadis, Jésus n’est pas mort sur la Croix et n’est pas monté au ciel. Le Nazaréen aurait survécu au supplice antique et se serait réfugié à Srinagar, dans le Cachemire ; il aurait fini ses jours dans cette ville et sa tombe supposée est encore visitée aujourd’hui. Ainsi, si le messie ne saurait être Jésus, il lui serait identique, spirituellement parlant.
Persécutions et humiliations
Un califat au sein de l’ahmadiyya a été fondé à la suite du décès d’Ahmed de Qadian, en 1908. « Élire le calife ahmadi ressemble à l’élection du pape. La succession califale est organisée par un comité électoral composé de gens pieux, proches des anciens califes, à l’instar des cardinaux. Une longue prière est célébrée, puis le processus électoral est ponctué de références spirituelles. Les fidèles sont alors convaincus de la présence divine, guidant les votants. »
« Le califat ahmadi est relativement apolitique, précise Asif Arif. Il ne prône pas une confusion entre les mosquées et l’État. Toutefois, cela ne suppose pas l’absence de collaboration ou de sollicitation entre les deux instances. » Contrairement au système laïc français, une distinction des pouvoirs temporel et religieux est observée, plutôt qu’une stricte séparation.
Depuis 1974, un amendement à la Constitution du Pakistan stipule que les ahmadis ne sont plus considérés comme musulmans. Ils subissent également, au-delà de l’excommunication et donc l’impossibilité de se rendre à La Mecque, de nombreuses persécutions. Au Pakistan, tout comme les chrétiens, les ahmadis sont victimes de maintes humiliations et attentats, notamment dans leurs mosquées.